Coups de cœur de la rentrée : partie 2

Qui dit première partie, dit forcément deuxième partie : voici donc une deuxième vague de mes coups de cœur de la rentrée littéraire. Comme dans mon post précédent, on trouve deux premiers romans parmi ma sélection. J’adore découvrir de nouvelles autrices, et j’espère que celles-ci seront aussi pour vous de belles découvertes !

On commence par Sauvage de Julia Kerninon. A sa sortie il y a quelques années, j’avais lu un de ses précédents livres Liv Maria que j’avais bien aimé, et très bien vendu, aussi bien en broché qu’à sa sortie en poche. Mais j’étais un peu restée sur ma faim à la fin du livre. Sauvage, c’est comme si l’autrice avait repris Liv Maria et avait gardé uniquement les aspects du livre que j’avais bien aimé, pour en faire cette parfaite pépite féministe et poétique.

On y suit Ottavia, une jeune femme qui a décidé de suivre la voie de son père pour devenir restauratrice. Elle devient son apprentie, et rapidement va ouvrir son propre restaurant. A travers le livre, on la suit qui apprend, qui voyage, qui tombe amoureuse ; et plus tard qui conjugue sa maternité avec son métier-passion. C’est un magnifique livre qui retrace le parcours d’une femme forte, et qui a décidé de prendre son destin en main. C’est aussi une belle histoire de sororité, ce qui m’a beaucoup touchée car en plus d’être une femme forte et indépendante Ottavia sait qu’elle peut compter sur ses amies, et vice-versa. Bonus, c’est un livre qui donne l’eau à la bouche et une furieuse envie d’aller en Italie. Bref, un gros coup de cœur, à lire et à offrir !

En parlant de livres qui donnent l’eau à la bouche, j’ai la transition parfaite avec mon coup de cœur suivant Dès que sa bouche fut pleine de Juliette Oury. Imaginez un monde dans lequel notre rapport au sexe et notre rapport à la nourriture ont été inversés. Matin, midi et soir on passe “en banquette”, mais la cuisine est devenu un événement de l’intime. Dans ce contexte, on va suivre Laetitia, une jeune femme tout ce qu’il y a de plus ordinaire, avec un boulot ordinaire, et un compagnon tout aussi ordinaire (pour ne pas dire ennuyeux). Tout va bien jusqu’au jour où — ô tabou ! — son appétit pour la nourriture va s’éveiller, et soudain elle se découvre l’envie de cuisiner.

Dès que sa bouche fut pleine est un premier roman d’une originalité folle, qui aborde la question du désir féminin et les tabous qui l’entourent de manière détournée, mais extrêmement pertinente. J’ai trouvé que l’a métaphore était absolument excellente. C’est aussi une belle histoire d’émancipation féminine. Si vous cherchez une lecture à la fois décalée et d’actualité, alors ce roman est fait pour vous. Un livre très réussi selon moi, et qui porte ses lecteur•ices à la réflexion !

On enchaîne ensuite avec Méduse de Martine Desjardins. Ce roman fascinant suit le parcours d’une jeune femme qui en a oublié jusqu’à son nom, tant ses parents la réduisent à ses caractéristiques physiques. Elle a été surnommée Méduse, et c’est ainsi que tout le monde l’appelle. Ce roman éponyme à l’ambiance gothique se lit tout seul tant on est captivé par la narration. Avec comme thématiques le pouvoir de la différence et bien sûr, son acceptation, Méduse est un récit initiatique qui décrit le parcours du combattant de son héroïne, mise au ban de la société à cause de son apparence, et qui n’a jamais vu son propre reflet tant son entourage l’a mise en garde contre les monstruosités que sont ses yeux.

C’est un roman absolument époustouflant, original et troublant à la fois. Jusqu’à la fin, on est amenés à essayer de s’imaginer à quoi ressemble vraiment Méduse, ne pouvant que faire des suppositions basées sur la réaction des personnes qui ont vu ses yeux. Page après page, on a envie de voir la jeune fille faire de cette différence son pouvoir, et quand elle le fait, c’est absolument jouissif. Bref, Méduse est un livre difficile à résumer sans trop en révéler, mais ce qui est sûr, c’est que c’est une réussite. Je ne suis pas près d’oublier ce livre !

Et mon dernier coup de cœur pour aujourd’hui, c’est La dent dure d’Isabelle Garreau, un roman à l’ambiance médiévale sur le pouvoir de la transmission, et qui nous dresse le portrait de trois femmes fortes. J’aime bien lire des romans qui sortent un peu des sentiers battus, et des tartes à la crème de la scène littéraire française, et celui-ci en fait définitivement partie. On suit trois femmes, à trois moments différents de l’histoire, qui sont reliées par une mystérieuse relique qui a traversé les âges. Trois femmes fortes, qui font trembler les hommes, et qui veulent à tout prix vivre une vie de liberté.

La dent dure est un très beau roman sur le pouvoir des histoires, et le pouvoir des femmes quand elles prennent leur destin en main. C’est une histoire qui me fait exactement penser au sous-titre des Culottées de Pénélope Bagieu : “des femmes qui font ce qu’elles veulent”, d’abord parce que j’adore cette expression, mais aussi parce que c’est exactement ce que font les femmes de ce roman vibrant et poétique, qui nous fait voyager de la Perse antique à la France contemporaine. [Avertissement : ce livre contient des scènes de violence pouvant heurter la sensibilité.]

C’est tout pour cette deuxième vague de coups de cœur. En avez-vous lu certains ? Lequel vous fait le plus envie ?

Coups de cœur de la rentrée : partie 1

Cette rentrée, je démarre un nouveau chapitre de ma vie d’adulte. Après quatre belles années passées en librairie, je lève un peu le pied pour y rester seulement à temps partiel, et de mon côté, j’ai démarré une activité de correctrice et relectrice en freelance. Bien entendu, ça ne m’empêche pas de continuer à lire (abondamment), et cela s’accompagne aussi d’une résolution que je vais essayer de tenir : poster plus souvent ici. Donc c’est parti, et pour commencer, voici quatre coups de cœur parmi les nouveautés de cette rentrée littéraire !

Coïncidence, je ne sais pas, mais ma première lecture de la rentrée littéraire reste, plus de vingt livres plus tard, ma préférée. Il s’agit de L’indésir de Joséphine Tassy.

On suit une jeune femme, Nuria, alors qu’elle rentre de boite de nuit et a ramené un presque inconnu chez elle. Tandis que le jeune homme dort sur son canapé, elle reçoit un coup de téléphone de sa grand-mère, lui annonçant que sa mère, à qui elle n’a pas parlé depuis huit ans, vient de mourir. L’enterrement a lieu le lendemain, et contre toute attente, le jeune homme du canapé s’y rend avec elle. A travers ce roman extrêmement touchant, tous deux vont partir à la rencontre des personnes qui ont le mieux connu la mère de Nuria. Chapitre après chapitre se dresse le portrait d’une femme flamboyante, qui ne savait simplement pas comment élever sa fille. Peu à peu, Nuria va aussi renouer avec ses propres sentiments vis-à-vis d’elle-même et du monde qui l’entoure. L’indésir est un roman d’une beauté à couper le souffle. C’est une histoire magnifique, et d’une vulnérabilité folle. Un livre incroyable, et qui a su me prendre par les sentiments. J’ai été conquise du début à la fin.

J’adore lire des premiers romans, et découvrir des auteurs qui je le sais, vont m’accompagner à chacune de leurs nouvelle sorties. C’est évidemment le cas de Joséphine Tassy, mais c’est aussi le cas d’une autre autrice que j’ai découvert avec joie lors de cette rentrée : il s’agit de Salma El Moumni, avec son roman Adieu Tanger.

On y suit une jeune lycéenne, Alia, qui vit à Tanger. En grandissant, elle devient consciente du regard des hommes. Son corps de jeune femme détonne dans la rue, il attire le regard. Ses parents, les hommes de sa famille, tous les adultes qui l’entourent l’enjoignent à être plus discrète et à faire preuve de modestie. Mais Alia veut comprendre ce corps qu’elle habite, elle veut se l’approprier, apprendre à l’habiter. Alors elle se prend en photo. Un jeune homme à qui elle faisait confiance va diffuser ces photos sur Insta. D’après l’article 483 du Code pénal marocain, Alia se retrouve coupable d’atteinte à la pudeur, et quitte le pays pour ne pas être arrêtée. Elle se réfugie à Lyon et enchaîne les petits boulots. Mais son passé va la rattraper, et très vite elle va se rendre compte qu’on n’est nulle part à l’abri du regard des hommes…

Adieu Tanger est un roman court et percutant. C’est un livre qui brise le tabou autour de la condition des femmes au Maroc, mais aussi partout ailleurs. Salma El Moumni y évoque avec brio le poids du regard des hommes, et l’incertitude constante dans laquelle vit son héroïne. C’est touchant, et brillamment exécuté. En tant que jeune femme, je me reconnais sans peine dans le personnage d’Alia, pour le meilleur et pour le pire. Bref, c’est un très beau livre, et selon moi, un incontournable de cette rentrée littéraire !

Mon coup de cœur suivant est un deuxième roman que j’attendais avec impatience, car c’est un roman qui parle de ce que c’est de devenir une jeune femme en plein mouvement #MeToo. Il s’agit du livre Un monde plus sale que moi de Capucine Delattre.

A travers l’histoire d’Elsa, l’autrice nous raconte ce que c’est que d’avoir 17 ans en 2017, ce que c’est de découvrir sa sexualité en même temps que le mouvement #MeToo, alors même qu’on aurait pu penser que la parole était enfin libérée, et que nous, les femmes, étions en sécurité. Au programme, une première relation amoureuse hésitante, du sexisme ordinaire, de la violence mais aussi de très beaux moments de sororité entre Elsa et ses amies. Je me suis particulièrement reconnue dans l’Elsa de la deuxième moitié du roman, qui met peu à peu des mots sur ce qui lui est arrivé.

C’est touchant, c’est révoltant parfois, c’est beau, et surtout, ça vibre de vérité. Ce livre est absolument nécessaire, et en même temps, c’est une bouffée d’air frais. Le temps d’une respiration, la parole est libérée. Je suis tellement contente de l’avoir lu, et je suis tellement contente qu’il existe. Je suis complètement fan de ce livre, et je vais le conseiller à tour de bras à toustes mes ami.e.s.

On enchaîne avec un autre roman qui m’a coupé le souffle, MURmur de Caroline Deyns. Quelle belle découverte que ce livre. C’est un roman en deux temps, qui se déroule dans un futur pas si lointain où les femmes ont perdu la liberté de disposer de leur corps (et bien sûr du coup, plus le droit d’avorter). Ce roman, dont l’ambiance peut évoquer celle de La servante écarlate de Margaret Atwood, ou encore de Viendra le temps du feu de Wendy Delorme, est construit en deux temps. On suit en premier lieu à travers une narration poétique la voie d’une femme emprisonnée après avoir fait une fausse couche (ce qui n’est pas sans nous rappeler la dégradation des droits des femmes dans certains pays pas si lointains comme la Pologne).

Ce premier acte laisse ensuite place à une narration différente, l’histoire d’une jeune fille qui subit un viol et qui va avec l’aide de sa mère avorter clandestinement. Jusqu’au bout, on croit que cela va bien se finir, mais la parole des hommes étant toujours la plus forte, on bascule rapidement dans une histoire qui n’est pas sans rappeler celle du procès de Bobigny… MURmur est un roman poignant et percutant, poétique et empreint de solidarité féminine. C’est un roman que je ne suis pas près d’oublier, et que je vous encourage vivement à découvrir !

Ainsi se clôt ma première vague de coups de cœur de la rentrée. En avez-vous lu certains ?